COVID-19

24 avril 2020

COVID-19 "Entretien avec Jérôme Guedj lors de la Commission réseau Monalisa du 16 avril 2020"

Dans son premier rapport d’étape remis à Olivier Véran fin mars, Jérôme Guedj fait 42 propositions concrètes pour lutter contre l'isolement des personnes âgées et fragiles isolées en période de confinement. Après avoir salué l’engagement des acteurs au quotidien, bien avant la crise actuelle, il a mis en avant deux volets essentiels de son rapport :

Premier volet, donner de la visibilité à la problématique de l’isolement : en instaurant un numéro vert dédié vers lequel les ainés dépourvus de personnes à qui parler puissent se tourner (« Croix-Rouge chez vous », soutenu par l’Etat) ; en demandant au gouvernement de faire la promotion de gestes solidaires, au même titre que les gestes barrières ; et enfin en créant un portail gouvernemental dédié à l'isolement, qui rassemblera des ressources utiles aux différents type de publics concernés. Pour toutes ces mesures, un seul mot d'ordre, les appliquer "le plus vite possible".

Second volet, promouvoir l’organisation de coopérations à l’échelle territoriale car c’est bien à l’échelle locale que les réponses à l’isolement des âgés peuvent s’organiser. La solidarité n'est pas quelque chose que l'on peut décréter, c'est une pratique sociale. L’objectif de Jérôme Guedj est de fournir les outils nécessaires le plus rapidement possible, pour que les élus et acteurs des territoires s'en emparent. Dans l'urgence, les réponses à l'isolement se sont organisées en proximité avec les collectivités territoriales. Les élus ont fait un travail de repérage des personnes qui pourraient avoir besoin d'une attention particulière en cette période, mais Jérôme Guedj alerte sur le risque de passer à côté de certaines personnes. En effet, les repérages basés sur les données collectées durant la canicule ne sont pas suffisantes, il faut aller plus loin et contacter par exemple les bénéficiaires de l'APA ou de l'AAH. Il faut s’assurer qu’il y ait un contact téléphonique régulier avec toutes ces personnes qui, du fait du confinement, présenteraient une certaine fragilité ou seraient en situation d'isolement renforcé. Cela suppose d’autoriser un partage de données des départements vers les communes pour repérer et aller au-devant de ces personnes les plus fragiles et limiter ainsi au maximum les effets de la crise. Il faut également soutenir toutes les mesures permettant aux aidants et proches aidants de continuer à jouer leur rôle, notamment pour éviter les ruptures de soins à domicile.

 

- Une des mesures fortes de votre rapport est la mesure 29, qui consiste à organiser une cellule de coopération municipale "lutte contre l’isolement" coordonnée par le maire ou le CCAS, en "tenant compte des coopérations territoriales déjà existantes". Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur cette articulation ?

         Je suis conscient que des coopérations territoriales existent et agissent déjà depuis longtemps sur la question de l'isolement. Ce que je préconise en cette période de crise c'est de partir de ce qui existe et de l'élargir car ce sur quoi vous travaillez depuis un moment est démultiplié par la situation actuelle. Il faudrait établir une sorte de cahier des charges et voir qui peut intervenir en prenant en compte la singularité de chaque situation. Il est nécessaire de mobiliser de nouvelles ressources sur le terrain et de réussir à orienter ceux qui veulent se mobiliser. Nous avons déjà commencé avec notamment le lancement de la réserve civique sur le site jeveuxaider.gouv.fr. Cela permet de faire le lien entre les associations ayant des besoins et les citoyens désireux de s'engager dans la lutte contre l'isolement. Nous voulons aussi proposer aux jeunes en services civiques dont la mission s'est arrêtée de se mettre à disposition de la lutte contre l’isolement des âgés en se signalant auprès des mairies ou des CCAS. Il serait aussi intéressant de mobiliser des réseaux comme ceux des bailleurs sociaux par exemple, car ils sont en bonne position pour repérer les personnes fragiles parmi leurs locataires. J'invite par ailleurs à répertorier tous les outils numériques et de la sylver économie qui peuvent atténuer les conséquences du confinement. La priorité est d'agrandir la mobilisation pour aller vers le plus de gens possible et répondre au plus de besoins possibles.

-  Au terme de cette crise, que deviendront toutes ces mesures ?

         L'isolement était une chose dont on ne parlait pas assez avant cette crise, il fallait donc réussir à introduire cette thématique dans le débat public. L'isolement préexistait au confinement bien entendu, mais aujourd'hui il y a une prise de conscience plus générale des conséquences de l’isolement. Il faut saisir l'occasion de faire remonter cette problématique au premier rang des priorités politiques. Le portail national en cours de création est une avancée. En effet un site dont le nom pourrait être isolement.gouv.fr sera une marque de reconnaissance à l'échelle nationale et gouvernementale de ce fait social. Aujourd'hui, des centaines de milliers de personnes veulent agir et aider à lutter contre l'isolement, on peut penser que ce mouvement de solidarité restera dans la pensée de ces gens.

            En ce qui concerne les propositions contenues dans mon rapport, ce que je préconise dans la période actuelle est aussi vouer à durer. Nous avons trouvé des solutions rapides pour répondre au plus vite aux problèmes causés par la crise, dans les semaines qui arrivent, nous allons encore « bricoler » pour permettre à ces mesures de perdurer au-delà du confinement. Mais pour la suite, il faudra développer encore davantage de projets dédiés à la lutte contre l'isolement et il est certain qu'il faudra déployer d'autres moyens, notamment via les conférences des financeurs, en permettant qu’elles aient un axe spécifique dédié à la lutte contre l’isolement social au même titre qu’il y en a un dédié aux actions collectives de prévention.

Je suis en tout cas preneur de toutes propositions concrètes pour éviter la retombée de ce mouvement de mobilisation contre l'isolement de nos aînés.