Territoires d’isolement, trajectoires de vie

01 octobre 2019

Territoires d’isolement, trajectoires de vie

A l’occasion de la Journée mondiale des personnes âgées, les Petits Frères des Pauvres publient un étude conséquente réalisée avec l'institut CSA sur les liens entre l’isolement des personnes âgées et les territoires. Ce rapport met en lumière des disparités régionales, identifie des « zones à risques » et apporte des éléments inédits sur les relations qu’entretient les personnes âgées avec leurs territoires. L’association qui aide et accompagne aujourd’hui plus de 35 000 personnes exprime aussi ses préconisations dans ce texte très documenté.

4,6 millions de Français de plus de 60 ans ressentent de la solitude

Être né quelque part n’est peut-être pas un hasard mais peut devenir un déterminant social. Pour les personnes âgées aussi, la question du territoire est un facteur d’inégalité selon l’étude conduite par le CSA* pour les Petits Frères des Pauvres. En effet, si 27% des plus de 60 ans ont déclaré souffrir de la solitude, cette proportion peut varier selon les régions ou les territoires.

Manque de solidarité et/ou de services de proximité

L’étude n’oppose pas systématiquement l’isolement des villes à celui des campagnes et éclaire comment certains facteurs renforcent le sentiment de solitude, afin de mieux identifier les actions à mettre en œuvre dans ces territoires. En effet, on peut se sentir aussi seul en zone urbaine qu’en zone rurale mais pas pour les mêmes raisons. Dans les villes, les personnes âgées souffrent à 37% d’un manque de solidarité de proximité, soit 10 points de plus qu’ailleurs. En effet, 50% des seniors interrogés vivant dans des grosses agglomérations n'ont pas de contact régulier avec leurs voisins. Dans les campagnes c’est le manque d’infrastructures de proximité (commerces, services publics) qui renforcement le sentiment d’isolement. 62% trouvent les services publics de moins en moins accessibles.

Les aînés, oubliés des quartiers...

La perception du territoire est une affaire personnelle qui détermine fortement le ressenti de la solitude, comme en témoignent les chiffres relevés dans les petites/moyennes villes et les banlieues : 31% se sentent isolés dans les petites agglomérations de 2 à 20 000 habitants et on atteint 32% dans les quartiers prioritaires de la ville. Dans ces territoires, les personnes âgées souffrent de la raréfaction des services de proximité et de relations de voisinage plutôt faibles. Mais ils ont aussi une « perception négative de leur environnement » qui renforce leur « sentiment de solitude et d'isolement » - lequel atteint d'ailleurs 45 % des résidents de HLM âgés de 60 ans et plus. Pour les Petits Frères des Pauvres, « les aînés sont tout simplement en train de devenir les grands oubliés des quartiers » car les politiques menées ciblent plutôt les jeunes générations.

Un sentiment de relégation ?

L’enquête donne aussi la mesure des régions particulièrement concernées par l'isolement des aînés : le Centre-Val de Loire (40% des aînés se sentent seuls) et la Nouvelle Aquitaine (32%). Deux régions qui regroupent les départements de l'ouest du Massif central très touchés par la désertification (la Creuse, l'Indre, la Haute-Vienne, etc.) entrainant un sentiment de relégation des populations âgées.
Les variations territoriales peuvent se combiner à des profils socio-économiques particulièrement exposés : la solitude touche plus les femmes, les personnes de plus de 85 ans et les personnes aux revenus modestes.

Du lien social "cousu main"

L’environnement proche joue un rôle essentiel dans la « fabrique de l’isolement ». D’autant que l’attachement des personnes à leur lieu de vie s’accroît avec l’avancée en âge, mettant en lumière les problématiques de logement et de mobilité. « Les politiques de lutte contre l’isolement des aînés devront se différencier d’un territoire à l’autre pour être efficaces. Dans une société où les fractures territoriales s’accroissent, seuls des dispositifs « cousus mains » permettront une adaptation raisonnable des territoires au vieillissement » écrit Romain Pasquier, directeur de rechercher au CNRS/ Sciences Po Rennes.

Des solutions partenariales

Pour les Petits Frères des Pauvres « mieux qualifier cet isolement sur les territoires c’est pouvoir mieux le combattre ». L’association préconise notamment des politiques visant à « faciliter les mobilités de proximité», par exemple en développant les transports à la demande, mais aussi en aménageant l'espace public par des bancs ou des trottoirs mieux adaptés aux personnes à mobilité réduite.
Pour lutter contre le sentiment d’isolement, l’association recommande d’entreprendre une reconquête des centres-villes. Les personnes âgées réclament plus de commerces, de transports en commun et de professionnels de santé. Il faut également « favoriser le travail partenarial des communes » précise Armelle de Guibert, déléguée générale des Petits Frères des Pauvres en écho au témoignage de Fabrice Talandier, directeur de la Fraternité régionale des Hauts de France des Petits Frères des Pauvres, membre du CA Monalisa qui co-anime la coopération 59** « Monalisa permet de construire un capital confiance et un capital de travail collaboratif entre les différents acteurs engagés dans la lutte contre l’isolement des personnes âgées : les petits frères des Pauvres, les CCAS, les centres sociaux, les associations de quartier ne sont pas concurrents mais partenaires. Nous avons désormais des habitudes de travail, des projets communs et nous avons convaincu le département de l’intérêt de notre action. »
Et prochainement, la loi Grand Age doit agir sur l’isolement social des personnes âgées : « Nous souhaitons que la lutte contre l'isolement soit reconnue dans la loi Grand Age en tant que telle et que le dispositif Monalisa voit ses financements pérennisés» conclue la déléguée générale des Petits Frères des Pauvres.

 

* Etude quantitative (1503 personnesâgées de 60 ans et plus) et qualitative (12 entretiens de personnes accompagnées par l'association)

** avec la fédération des centres sociaux du Nord, l'UDCCAS 59, l'Ufcv.

Testez vos idées reçues ! faites le quizz des Petits frères des Pauvres

Retrouvez toutes les informations et visuels sur le site des Petits frères des Pauvres https://www.petitsfreresdespauvres.fr/le-remede/
avec le rapport :https://www.petitsfreresdespauvres.fr/informer/prises-de-positions/milieu-rural-ou-urbain-contre-l-isolement-des-personnes-agees-dans-les-territoires

et le film : https://www.youtube.com/watch?time_continue=3&v=eYnzajLsx5c

 

nous sommes tous le remède

Pour les Petits frères des Pauvres, la reconstruction du lien social ne peut jamais être une prestation commerciale. L'association dénonce à l’occasion de ce rapport l'apparition d'une "industrie de la compagnie", qui propose des "prestations commerciales promettant de lutter contre l'isolement de nos aînés", par des parties de cartes ou des visites "de courtoisie"... payantes. Selon la déléguée générale de l'association, Armelle de Guibert "retisser des liens" et "construire des rencontres sincères et profondes » dépend de l’engagement des citoyens : "le remède contre l'isolement des personnes âgées, c'est nous tous".
A l’occasion de la journée internationale des personnes âgées le 1er octobre, les Petits Frères des Pauvres se mobilisent dans la rue pour sensibiliser les citoyens au fléau invisible de l’isolement de nos aînés. Et tout le mois d’octobre, ils vont déployer à nouveau leur campagne «le remède» (en TV, affichage et digital avec le hashtag #JeSuisLeRemède)